Episode 6

Charles D. Proctor, directeur du Centre Pénitencier de Thalion, ne me connaissait pas, et ne pouvait que supposer, étant donnée la situation, que je deviendrais très rapidement un problème de plus dans sa liste déjà bien fournie.
Charles D. Proctor connaissait bien Roxane, cependant, et j'eus à peine le temps de voir son teint déjà pâle virer au blanc le plus éclatant avant qu'il laisse tomber son visage entre ses mains lorsqu'il réalisa qu'il était très probablement l'homme le plus malchanceux du monde.
Marcus Glass, pour sa part, m'avait déjà rencontrée, et semblait plus que tout surpris de croiser à nouveau mon chemin. Il avait semblé si convaincu, lorsqu'il m'avait abandonnée dans le Désert des Ombres, que je rejoindrais la route de Dimzad saine et sauve, et que la police me raccompagnerait chez moi à Thalion où je m'empresserais  de tout oublier, jusqu'à sa propre existence, et même Jose, qu'il n'avait pas considéré ne serait-ce qu'une seconde l'éventualité que je puisse être tentée de le retrouver.
Glass ne me connaissait pas, mais il commençait à réaliser, alors que je le fusillais du regard en entrant dans le petit bureau gris de Proctor, qu'il avait mal évalué le type de menace que je pouvais représenter.
Pour être tout à fait honnête, j'étais consciente qu'il n'avait rien à craindre de moi, mais lui ne le savait pas. Les sourcils froncés, il tentait de garder les yeux à la fois sur Roxane et moi, prêt à se défendre si l'une d'entre nous venait à attaquer.
Proctor laissa échapper un "pitié" lorsque Roxane, après avoir ouvert en grand la porte du bureau d'un coup de pied, brisa le silence pesant qui n'avait duré qu'une seconde au  plus.
ROXANE : Lequel de vous deux je tue en premier ?
GLASS : Si tu veux revoir Jose je te conseille vivement de ne rien faire d'irréfléchi.
ROXANE : Conneries !
Elle lui lança un sourire carnassier.
ROXANE : Jose t'a échappé depuis longtemps.
Je me tournai vers elle, immédiatement soulagée à l'entente d'une si bonne nouvelle et vite intriguée par la raison pour laquelle j'étais la seule qu'elle semblait surprendre.
ROXANE : Si tu l'avais encore, Glass, tu serais déjà à Meast.
Elle se gratta le menton, affichant un air faussement pensif pour le narguer.
ROXANE : Tu n'avais pas des hommes avec toi ? Laisse-moi deviner, c'est ce qui est arrivé ? tu l'as laissé seul avec eux ?
Elle secoua lentement la tête, son sourire toujours aussi moqueur alors que l'air assuré de son vieil ennemi disparaissait peu à peu.
ROXANE : Glass, Glass, Glass... Mon cher Marcus Glass. Naïf Marcus Glass... Deux hommes ? Pour surveiller Jose ?
Elle laissa échapper un éclat de rire.
ROXANE : S'il te plaît, Glass, dis-moi ce qu'il leur a fait. En souvenir du bon vieux temps.
Glass poussa un long soupir. Il avait perdu, et il le savait.
GLASS : Il a brisé ses menottes et les a utilisées pour les bâillonner. Puis il leur a cassé les bras et les a abandonnés au milieu de la route après leur avoir... uriné dessus.
Roxane fut incapable de se retenir plus longtemps. Si Glass avait su s'admettre vaincu, elle dégustait pour sa part sa victoire de la façon la plus insultante possible.
Elle hurla de rire et poussa une pile de dossiers du bureau de Proctor pour s'asseoir dessus sous le regard déprimé du directeur de la prison.
Je me surpris moi-même à fixer Glass dans les yeux, un sourire triomphant aux lèvres.
ROXANE : Je suppose que ça ne sert à rien de te demander où il est maintenant...
GLASS : Tu as gagné. Heureuse ?
ROXANE : Pas encore.
Son air redevint sérieux aussi vite qu'il avait viré à la plaisanterie.
ROXANE : Il nous reste à discuter de tes méthodes, Glass.
GLASS : Mes méthodes ?! Vous êtes les pires criminels de la planète et vous...
ROXANE : ... et tu es flic. Tu as des règles à respecter. Personne ne t'a forcé à signer, Glass. Comment tu as fait ?
Elle pointa du doigt dans la direction de Proctor sans même lui adresser un regard.
ROXANE : Tu l'as payé ? Tu lui as offert une place au milieu de la fière équipe de la police de Meast ?
Un rictus se dessina sur son visage alors qu'elle se tournait vers le directeur, qui était de plus en plus terrorisé au fur et à mesure que la conversation avançait.
Flux décida de prendre le relais. Ou peut-être que cela faisait partie de leur plan, élaboré depuis la disparition de Jose, c'était difficile à dire.
FLUX : Je ne pense pas... Monsieur Glass est un professionnel. Il  ne s'entoure que des meilleurs.
Il haussa les épaules, se prenant au jeu de Roxane.
FLUX : Enfin, à l'exception des deux pauvres jeunes gens dont il nous a déjà parlé. Monsieur Proctor ne lui serait d'aucune utilité. Je pense qu'il a été obligé de le menacer. Mais pour risquer aussi gros... Laisser échapper un détenu, ainsi que toutes les conséquences que cela a pu entraîner... Prise d'otage, dommages matériels...
ROXANE : Je ne sais pas, Flux. Glass est un loquard de la pire espèce...
Flux se tourna vers Liz et moi juste assez longtemps pour nous fournir une brève explication :
FLUX : "Loquard" signifie "connard", en quelque sorte.
Je lui souris, de plus en plus prise au jeu moi-même.
ROXANE : ... mais il n'est pas du genre à menacer un pauvre type sans raison.
FLUX :  Peut-être que monsieur Proctor n'est pas si innocent que ça.
Roxane fit semblant d'être surprise.
ROXANE : Monsieur Proctor ! Qu'avez-vous pu faire de si grave ?
FLUX : Un si beau costume doit coûter cher... Je mise sur la corruption. On aide les détenus les plus riches à sortir plus tôt, ou on leur facilite la vie derrière les barreaux, n'est-ce pas monsieur Proctor ?
ROXANE : Non, ce type approche de la retraite, frustré, plein de fric... C'est sexuel. Je suis persuadée que ça touche à la prostitution.
Proctor poussa à nouveau un grand soupir désespéré. Glass répondit pour lui.
GLASS : Corruption.
Roxane ricana et tendit un billet à Flux qui le rangea dans sa poche. Je ne savais toujours pas si leur numéro était prévu ou non, mais s'il était improvisé, ce n'était pas la première fois.
ROXANE : Comment avez-vous réussi à convaincre ce crétin de se faire capturer ?
FLUX : Luke Bowen.
ROXANE : Merci Flux.
PROCTOR : Il n'était pas au courant.
Glass lui lança un regard noir.
ROXANE : Vraiment ? Vous avez juste lâché un meurtrier en liberté pour avoir une chance d'attraper Jose ? Risqué... Imaginez s'il avait pris quelqu'un en otage...
PROCTOR : C'était un accident ! Monsieur Glass m'a juste convaincu d'étouffer l'affaire et de vous engager pour le retrouver plutôt que de contacter les autorités. Mon établissement est hautement sécurisé...
LIZ : Clairement...
PROCTOR : Je ne comprends toujours pas comment Bowen est parvenu à s'échapper !

Roxane lança à Glass un regard noir.
ROXANE : Oh, j'ai ma petite idée là-dessus...
Proctor sembla soudain réaliser à son tour l'arnaque dont il avait lui-même été victime.
PROCTOR : C'était vous ! Espèce de...
GLASS : N'oubliez pas notre marché, Proctor.

L'homme se tut à contre-coeur, acceptant malgré lui sa défaite alors que Glass l'ignorait pour tourner à nouveau son attention sur Roxane.
GLASS : Tu en sais assez.
VISALA : Mais pas Luke.

Leurs regards se tournèrent vers moi, comme s'ils me remarquaient pour la première fois.
VISALA : Vous l'avez utilisé. Il mérite de le savoir.
GLASS : Absolument pas. Vous avez causé assez d'ennuis comme ça !
ROXANE : Non, je pense qu'elle a raison. Proctor, soyez un brave type et envoyez un garde chercher ce bon vieux Luke, je suis sure qu'il voudra entendre tout ça.
PROCTOR : Mais...

Roxane claqua des doigts, interrompant Proctor et ne lui laissant d'autre choix que d'obéir et d'appeler un de ses agents de sécurité à l'interphone.
ROXANE : En attendant j'ai encore quelques questions, Glass.
GLASS : Je ne te dirai rien de plus.
ROXANE : Et qu'est-ce qui te fait penser que tu as le choix ?

Il dégaina son pistolet et le braqua sur la tête de Roxane.
GLASS : On m'a laissé entrer avec mes armes.
Roxane fit un pas en avant sans la moindre hésitation et sourit. C'était le genre de rictus que j'étais certaine de revoir souvent à l'avenir. Un rictus froid, presque terrifiant qui signifiait "j'ai déjà gagné".
ROXANE : C'est ça ta solution, Glass ? Tu vas me tuer ?
Glass ne répondit rien. La Meastienne fit un pas de plus. Puis un autre. Elle s'avança assez pour pouvoir appuyer le canon de l'arme de Glass entre ses yeux.
ROXANE : Tire.
Glass se figea.
ROXANE : Fais-le. A défaut de retourner à Meast avec Jose vivant, ramène-leur sa complice morte. Tue une évadée de prison sortie de ta juridiction dans le bureau de l'Odysséen qui coopère avec toi dans le dos de tes supérieurs. Mieux, fais-le sous les yeux de trois témoins. Oh, et je suis certaine que Proctor ne te vendra pas pour se couvrir.
Roxane n'en avait pas douté une seconde : Glass baissa son arme. Il ouvrit la bouche pour répondre, mais fut interrompu par les deux gardes qui firent alors irruption, accompagnant Luke, qui semblait déjà complètement déboussolé avant même de m'apercevoir dans la pièce. Proctor poussa un soupire désespéré et fit signe aux deux hommes de quitter la pièce malgré leur réticence apparente et la confusion qu'ils partageaient avec leur détenu.
ROXANE : Luke, c'est ça ? Enchantée, je suis Roxane, on s'est croisés, à Dimzad, folle journée. Monsieur Glass a quelque chose à te dire.
Luke se tourna dans toutes les directions, faisant de son mieux pour comprendre ce qu'il faisait là et qui était ce Glass dont on lui parlait, mais ce dernier ne prononça pas un mot, forçant Roxane à continuer à sa place.
ROXANE : C'est lui qui a organisé ton évasion pour avoir une chance de nous arrêter.
Luke resta bouche bée, peinant toujours à suivre.
LUKE : Vous vous êtes servi de moi...
ROXANE : Comme un pion. Voila ce que l'élite de la police Meastienne pense des gens comme toi et moi.

Luke resta silencieux un instant, manifestement choqué par la nouvelle, et ne laissant à personne le temps de réagir lorsqu'il plongea sur Glass sans crier gare, le mettant à terre et lui braquant son propre revolver contre la gorge.
Roxane fut la première à faire un pas vers les deux hommes mais Luke, fou de rage, l'en empêcha d'un geste.
LUKE : Un pas de plus et je le tue !
LIZ : Bonne idée, Visala, il l'a bien pris...

Consciente que j'étais un peu responsable de l'état de Luke, je m'approchai à mon tour lentement pour lui parler.
VISALA : Luke, ne fais pas ça.
LUKE : Tu devrais lui en vouloir autant que moi, Visala. Tout ce que tu as subi, tout est de sa faute.
VISALA : Mais je ne le tuerai pas. Il n'en vaut pas la peine.
Son visage vira au rouge. Je fis un pas de plus vers lui et posai une main sur son épaule, le forçant à me regarder dans les yeux.
VISALA : Luke. Ce n’était qu’un accident. Tu n’es pas un meurtrier.
Essuyant une larme sur sa joue, il jeta l'arme au fond de la pièce et se leva lentement.
LUKE : Remmenez-moi à ma cellule.
Je me tournai vers Proctor, l'implorant du regard.
VISALA : Vous êtes responsable aussi, vous pouvez bien... Je ne sais pas, lui donner une liberté conditionnelle ou...
LUKE : C'est fini, Visala. Je me rends.
VISALA : Mais...

LUKE : Je ne veux pas passer ma vie derrière les barreaux. Mais je ne veux pas non plus la passer à courir ou me cacher. Dimzad n'est qu'une autre prison. Ici, je suis au moins chez moi.
Il me lança un dernier sourire. Un sourire sincère.
Luke avait pris une décision. Une décision importante. Il avait choisi où il voulait être.
Moi aussi.
LUKE : Je suis prêt.
Proctor posa la main sur l'interphone pour appeler ses hommes mais n'eût pas besoin d'appuyer sur le bouton car la porte du bureau s'ouvrit alors d'elle même, se détachant soudain de ses gonds et traversant la pièce si vite qu'elle nous aurait fauchées Liz et moi si Flux ne nous avait pas poussées juste à temps, manquant lui-même de se faire décapiter.
Je me relevai d'un bon et enjambai les débris, ignorant le nuage de poussière qui menaçait de me faire suffoquer, ignorant Liz et Flux toussant à terre derrière moi, ignorant les deux gardes qui reposaient assommés dans le couloir, ignorant tout le monde dans la pièce à l'exception d'une seule et unique personne.
Ses yeux se posèrent sur Roxane, puis sur moi. Il me sourit. Je me retins de hurler de joie.
Jose.
Il lança un revolver argenté à Roxane sans adresser le moindre regard à Glass, Proctor, Liz, Luke ou même Flux.
JOSE : Tiens, j'ai trouvé ça, à l'entrée. Tu devrais y faire attention, c'est assez cher. Qu'est-ce que tu fous là, au fait ?
Le sourire de Roxane diminua légèrement, mais ce qu'il en restait se tourna cette fois vers moi. Et c'est alors que je compris : c'était pour moi qu'il était revenu. Il m'avait fait la promesse dans le désert qu'il ne m'abandonnerait pas, et il l'avait tenue. Il s'était libéré, il avait traversé la ville, et il m'avait retrouvée.
Je fis quelques pas vers lui et m'arrêtai juste dans la trajectoire du pistolet de Glass, qui avait profité du chaos pour saisir sa dernière opportunité et visait maintenant la poitrine de Jose.
Proctor étouffa un sanglot, caché derrière son bureau.
PROCTOR : Par pitié, est-ce que vous pouvez tous arrêter avec vos armes ?!
GLASS : Mademoiselle Fisher, éloignez...

VISALA : Non.
Je regardai Jose dans les yeux et le serrai dans mes bras. Je ne savais pas pourquoi. Je n'y avais pas réfléchi. Tout me semblait très naturel à présent. C'était comme si je l'avais toujours connu, et comme si je ne l'avais jamais perdu.
GLASS : Mademoiselle Fisher, pour votre sécurité, je dois...
VISALA : Non.
La voix de Glass commençait à trembler. Il était à bouts de nerfs. Mais ça n'avait plus aucune importance. Il ne l'emmènerait pas cette fois. Plus jamais.
GLASS : Cet homme me suivra à Meast, que vous le vouliez ou non !
Je lâchai Jose et me tournai lentement vers l'enquêteur Meastien. Tout était si simple. Si naturel. Je savais ce que j'avais à faire. Je savais ce que j'avais à dire.
VISALA : Non, Glass, il n'ira nulle part avec vous. Vous allez baisser votre arme, et sortir d'ici, et oublier le jour où votre chemin a croisé celui de Slayer Jose.
Il voulut répondre, mais je l'en empêchai.
VISALA : Si vous voulez repartir avec lui, vous devrez m'emmener aussi. Car j'irai voir les autorités. J'irai prévenir la presse, je vous exposerai, Glass. Et vous savez que je suis très sérieuse. Je ne détruirai pas seulement votre carrière, j'ébranlerai l'équilibre précaire entre nos deux états, je déclencherai une guerre en Meast et l'Empire d'Odyssey, juste pour me venger. Il en vaut la peine pour moi. Demandez-vous s'il en vaut la peine pour vous.
Roxane éclata de rire. Elle n'avait surement jamais été aussi heureuse.
ROXANE : N'oublie pas pourquoi tu fais tout ça, Glass.
GLASS : Mademoiselle Fisher, avez-vous la moindre idée des ennuis que vous risquez avec ces
individus ?
Je souris de toutes mes dents.
VISALA : Non.
Il baissa les yeux, puis son arme, à nouveau vaincu, et passa prudemment derrière nous pour sortir de la pièce. Il s'arrêta une dernière fois à l'endroit où la porte du bureau s'était trouvée quelques instants auparavant.
GLASS : Vous savez que je ne peux pas abandonner. Je serai forcé de revenir. Tôt ou tard.
VISALA : Et mon offre tiendra toujours.
Dans un nouvel éclat de rire, Roxane vint nous rejoindre et s'appuya sur mon épaule.
ROXANE : A la prochaine, Marcus.
Glass disparut sans un regard de plus.
ROXANE : J'ai pas tiré une seule balle aujourd'hui, et c'est grâce à toi gamine.
Elle se tourna alors vers Jose et lui mit un grand coup de poing dans le ventre, que je devinai amical malgré la force de l'impact.
ROXANE : Et toi, crétin ! Qu'est-ce qui t'a pris si longtemps ? Et comment tu es entré ?
JOSE : J'ai cogné le gars à l'accueil. Oh, y'a des types qui arrivent en renfort au fait.
Roxane soupira, mais ne put cacher son air amusé, que ne partageait pas Proctor alors qu'il se précipitait à nouveau sur l'interphone pour renvoyer ses hommes, à qui il ne voulait certainement pas avoir à expliquer comment la situation avait pu à ce point lui échapper. Puis il se tourna vers nous, au bord des larmes. Roxane étouffa un éclat de rire.
ROXANE : Ouais, ouais, on va vous laisser nettoyer toute cette merde. Dès que vous nous aurez payés.
PROCTOR : Vous payer ?
Roxane désigna Luke d'un doigt, à la grande surprise de Proctor qui semblait l'avoir déjà oublié.
ROXANE : Pour lui. Le contrat. On l'a rattrapé. Vous nous devez de l'argent.
Roxane se laissa tomber sur le siège en face du bureau et posa ses pieds sur le clavier de l’ordinateur de Proctor.
ROXANE : Je suppose qu'un bonus vous ferait pardonner de nous avoir vendus à la police Meastienne.
PROCTOR : Mais...

Je m’assis à côté d’elle et me penchai au-dessus du bureau pour regarder le directeur dans les yeux.
VISALA : Oh, et j’aurais besoin de quelque chose aussi.
Roxane me sourit et se détendit un peu plus. Proctor essuya une goutte de sueur sur son front.

LIZ : Tu as déjà pris ta décision, n’est-ce pas ?
Je ne savais pas vraiment comment répondre. Un «oui», aurait certainement suffi. Mais je devais bien plus que cela à Liz.
LIZ : Pars.
Je levai les yeux, un peu surprise. Plus étonnant encore, elle m’adressa un sourire plus tendre que je l’en aurais jamais crue capable.
LIZ : Tu n’as plus ta place à Thalion, Visala.
VISALA : C’est si évident que ça ?
LIZ : Ne fais pas comme si tu avais hésité ne serait-ce qu’une seconde. Si tu avais pu te voir, là-bas... Tu étais... différente. Et ça te va mieux que de faire tout le temps la gueule.
VISALA : Je ne fais pas tout le temps la gueule...

Elle rit pour cacher un sanglot et me serra dans ses bras.
LIZ : Promets-moi juste que tu reviendras.
Je l’embrassai et lui pris la main.
VISALA : Je te le promets.

Je m’assis à côté de Jose, au sommet de l’immeuble dans lequel j’avais vécu tant d’années, et laissai mes jambes pendre au-dessus du vide.
JOSE : Roxane a dit qu’elle était d’accord.
VISALA : C’est vrai ?
JOSE : Je pense. Me reste plus qu’à lui demander. Mais Flux a dit qu’il était d’accord.
Je ris et posai ma tête sur son épaule, admirant une dernière fois le coucher du soleil derrière les gratte-ciels de la capitale Odysséenne.
VISALA : Pourquoi ?
JOSE : Quoi ?
VISALA : Pourquoi tu es revenu me chercher ?
Il sortit de ma poche les lunettes en forme d’étoiles qu’il m’avait données dans le désert et les posa sur mon nez avant de se tourner à nouveau vers l’horizon.
JOSE : Je sais pas. Je t’aime bien.
VISALA : Je t’aime bien aussi, Jose.
Nous restâmes silencieux quelques instants. Mais je sentais que Jose avait quelque chose en tête. Il se résolut enfin à parler :
JOSE : Tu veux savoir ce que j'ai fait ? A Meast, je veux dire.
J'y songeai rapidement, mais à nouveau, j'avais déjà pris ma décision depuis longtemps.
VISALA : Non.
Il afficha un air satisfait et un peu soulagé et laissa balancer ses jambes au-dessus des rues de Thalion.
Pourquoi se presser ? J'avais toute la vie devant moi pour apprendre à connaître Jose. Et ce qu'il avait fait avant notre rencontre n'avait plus aucune importance. Pas à mes yeux.
Mon téléphone sonna quelques minutes plus tard. Je décrochai.
VISALA : Richard. Je voulais t’appeler. J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que j’ai réussi à convaincre le directeur de la prison de te rembourser la camionnette.
RICHARD : Bien joué, Visala. Je n’y croyais pas.
Il attendit quelques secondes pour poser la question qui devait lui brûler les lèvres.
RICHARD : Et la mauvaise ?
VISALA : Je démissionne. Je quitte la ville.
RICHARD : Vraiment ? Je... Je comprends. Après ce que tu as vécu, tu as surement besoin de changer d’air.
VISALA : Merci pour tout ce que tu as fait pour moi. Je ne l’oublierai pas.
RICHARD : Tu nous manqueras, Visala. Où comptes-tu aller ?
Je regardai Jose et lui souris.
VISALA : Aucune idée.

FIN.